Jeudi 17 juin, Laurent Gbagbo est revenu à Abidjan, acclamé par ses partisans. Mais dix ans après son arrestation et son transfèrement à la Cour pénale internationale, quelles sont ses ambitions ? Aujourd’hui au Faso craint qu’un esprit de revanche contre son grand rival Alassane Ouattara mette à mal la réconciliation nationale.
Comme Orphée, il est revenu d’enfer, pas par la voix, mais physiquement. Laurent Gbagbo, bien là sur ses deux jambes, quasi ingambe du haut de ses 76 ans, en Côte d’Ivoire, après une décennie de présence dans la mutique et pourtant bruyante, frisquette et difficile prison de La Haye [l’ancien président était accusé de crimes contre l’humanité avant d’être innocenté].
[Tous les] sympathisants du Front populaire ivoirien (FPI) et surtout la grande communauté bété [ethnie dont est issu Laurent Gbagbo] a pris d’assaut [le 17 juin] les abords de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny [d’Abidjan]. Certains ont même été dispersés par les gaz lacrymogènes des forces de l’ordre. Sa famille nucléaire, Simone, Michel et les chefs traditionnels venus de Mama [son village natal] sont venus assister au retour de l’enfant prodigue.L’étape de l’aéroport passée, cap sur le QG de campagne frontiste à Attoban avec bain de foule ! Hier, c’était une rédemption pour Gbagbo, dont le retour sonne le carillon d’une destinée hors pair.
Sans doute, en sortant du pavillon présidentiel, des réminiscences défilent dans sa tête : de ce 11 avril 2011, où il fût délogé par l’Organisation des nations unies, l’armée française et les ex-rebelles acquis à Ouattara, de son emprisonnement à Korhogo, et de son transfèrement à la Cour pénale internationale.
Qu’y a-t-il dans son cortex ?
Dix ans ! Dans la vie d’un homme, c’est beaucoup ! Mais quand on fait la politique, tout peut arriver. Il y a donc un air de destin exceptionnel pour cet homme. Qu’y avait-il alors dans le cortex de l’ancien président ivoirien qui quitta Abidjan de façon humiliante pour revenir sous les acclamations de ses ouailles ?
Car avant de parler avenir, il faudra qu’on évoque ce pour lequel il est revenu. Va-t-il être réconciliateur ou revanchard ? Car ce retour souhaité par les uns et redouté par d’autres, est consubstantiel, c’est-à-dire ombilicalement lié à la réconciliation.
Gbagbo va-t-il “encaisser” toutes les avanies pour fumer le calumet de la paix avec [l’actuel président] Ouattara ? La paix des braves serinée par le pouvoir en place est-elle sincère ?
De l’espoir et des dangers
Un retour et moult interrogations. Si Gbagbo croit toujours à un avenir politique et veut encore descendre dans l’arène politique, il est évident qu’une telle posture pourrait mettre à mal le processus de recollage du tissu social. À moins qu’il réunifie le FPI, se retire et lance un Blé Goudé [son ancien ministre qui fut coaccusé avec lui] ou un autre pour sa succession ! Penser à une vie sans la politique et le pouvoir fait-il partie des plans de Gbagbo ?
C’est donc un retour gorgé d’un espoir réel de rassembler les Ivoiriens (car si Ouattara et Gbagbo se retrouvent, même la question des victimes peut trouver une solution) mais également de danger, car la moindre petite embardée, ou incartade de part ou d’autre, et la locomotive de la réconciliation se retrouve dans le décor.
Source : Courrier international
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com